mardi 30 mars 2010

La solidarité des collègues en faveur d'un père et de son fils


C'
est un père et un fils qui ont eu le temps de parcourir ensemble un bout de chemin exigeant, de mieux se connaître et s'apprécier avant que la mort ne les sépare. Mathys Germain, 11 ans, est mort en décembre dernier des suites d'un cancer à Saint-André-le-Puy (Loire). Grâce à la solidarité de ses collègues,
Christophe Germain a pu s'occuper à plein temps du jeune garçon durant les sept derniers mois de la maladie -- sans perdre son salaire.

Photo Yves Flammin -- Le Progrès.
Le cancer du foie du jeune Mathys s'est déclaré en 2008. Lydie, la mère, a obtenu un congé d'accompagne
ment d'enfant malade. La Caisse d'allocations familiales lui a alloué un nombre de jours fixe, rapporte-t-elle au quotidien Le Progrès, "comme si l'on savait quand votre enfant allait guérir." Après une greffe, Mathys a subi une chimio lourde accompagnée de transfusions sanguines. Lorsque Lydie a dû reprendre le travail, Christophe s'est mis en congé maladie pour rester près Mathys. Mais le médecin-conseil l'a renvoyé au boulot: "C'est votre fils le malade, pas vous!"... En juin 2009, Christophe Germain reprend donc son poste sur la ligne d'embouteillage des eaux Badoit (groupe Danone) à Saint-Galmier où il travaille depuis 23 ans. Ses collègues se demandent comment l'aider. Il leur explique: "Ce qu'il me faut, c'est du temps." Une solution simple et généreuse se met en place avec l'accord de l'entreprise: ils vont le remplacer en lui offrant leurs congés. Ainsi, il ne perdra pas son salaire et pourra s'occuper de son fils à plein temps.

De nombreux enfants sont soignés à l'Institut de cancérologie de la Loire, explique Sylvie Germain. Pour rester auprès d'eux, les parents se battent avec leur employeur afin d'obtenir des jours dits de repos; sinon, ils perdent leur emploi. Le couple Germain s'est senti soutenu dans cette période difficile. "Mon chef appelait pour prendre des nouvelles", précise le père... Cette expérience prouve qu'il existe des solutions.

Ulysse

samedi 27 mars 2010

Culturistes (2): De la chair à péplum


Dans Culturistes (1), j'ai décrit la naissance des magazines de chair fraîche, virile et musclée, durant les années quarante aux Etats-Unis. Une colonne grecque, un beau type à poil, un marketing visant apparemment le milieu des body builders: c'est tout ce qu'il fallait pour détourner l'attention de la police des moeurs. Les metteurs en scène, de Cecil B. DeMille à Fellini, ont
recruté leurs figurants dans ce vivier. Les péplums italiens y ont pêché leurs acteurs dont certains sont devenus des stars.
Eric Pedersen.
Pour incarner le héros mythique dans Les Travaux d'Hercule (tourné en 1957), Pietro Francisci a importé Steve Reeves (1926-2000) qui avait remporté les titres de Mr America, Mr World et Mr Universe. Le film a coûté l'équivalent d'un demi-million de dollars et en a engrangé 40 à travers le monde. Aux Etats-Unis, Steve Reeves a fait plus d'entrées avec ce navet, en 1959, que des vedettes comme John Wayne, Rock Hudson ou Doris Day! Le champion culturiste a continué à tourner en Europe où il est devenu l'acteur de cinéma le mieux payé avec Sophia Loren. C'est du moins ce qu'il a raconté dans sa biographie.

Il n'avait pas besoin de produit pour entretenir sa forme, prétendait-il, du reste les stéroïdes n'étaient pas encore connus. Et il ne s'entraînait durement qu'un mois par an dans son chalet en Suisse. Mylène Demongeot se souvient que sur le tournage de La Bataille de Marathon, dans une scène où il devait courir en la portant, elle avait glissé à cause de l'huile dont il était enduit. Et elle laisse entendre qu'il n'avait pas la force de la porter longtemps, alors qu'elle était mince à l'époque.
Steve Reeves.
Les acteurs de langue étrangère étaient nombreux à travailler en Italie car on n'enregistrait pas de dialogue durant le tournage. Plus simple que d'exiger le silence de toute l'équipe technique, plus simple que de recommencer une scène lorsqu'un avion passait. Tous étaient doublés ultérieurement, même les acteurs italiens qui étaient occupés ailleurs.

Ulysse

jeudi 25 mars 2010

Va-t-on débattre de la longueur des jupes pour hommes?


C'est la question que Scott Schuman, photographe vedette du blogue The Sartorialist, pose à ses lectrices et lecteurs en présentant ces trois porteurs de kilts. Il a reçu plus de 500 commentaires alors que la moyenne se situe entre 60 et 120. Les réactions vont de "Aucune longueur de jupe ne convient à un homme" à "Certains gars peuvent, d'autres pas. Ces trois, absolument".
Photo: The Sartorialist.
Qu'en disent les femmes? "À nous les filles, il a fallu une éternité pour mettre des pantalons." "Je suis si heureuse de voir ici des hommes en jupe. Respect à eux! Quant à la longueur, c'est sans importance aussi longtemps qu'ils n'oublient pas le sous-vêtement." J'ai traité ici-même ce problème philosophique à l'intersection de la liberté et de la décence, dans Les loueurs de kilts... Une mère: "Mon fils qui a deux ans aime porter les jupes de sa soeur jumelle. C'est probablement une phase; il la dépassera, aussi je n'apprécie guère les remarques incessantes de gens qui lui rappellent que les jupes sont faites pour les filles seulement. Le gars de la photo du bas a l'air très masculin et sexy. Bien sûr, tout le monde ne peut pas se permettre d'aller au travail dans ce genre de tenue, néanmoins je ne veux pas imposer des règles concernant le genre à mon fils."

Photo: The Sartorialist.
Les circonspects. "Dans la photo de gauche, ce n'est pas la jupe, mais le sac
à main qui le fait paraître gay, ou plutôt la manière dont il le porte [...] Ma conclusion: les jupes pour hommes c'est cool. Mais encore plus cool sur des mecs virils." Question: pourquoi, justement, un gars dit efféminé ne pourrait-il pas se mettre en jupe? Les femmes de tous bords se permettent bien le pantalon, et même les jeans, pourtant taillés pour mettre en évidence le paquet et des fesses bombées... Enfin, le passéiste: "Je trouve que le kilt n'a pas sa place hors des réunions traditionnelles... La jupe, sur un mâle, c'est pousser le bouchon de l'androgynie un peu loin."
Photo: The Sartorialist.
Ulysse

mardi 23 mars 2010

La pédophilie (et la maltraitance) pour les nuls


L'
Église romaine et la médecine mènent à tout, à condition d'en sortir. Le pédiatre allemand Eckart von Hirschhausen a quitté sa pratique médicale pour le cabaret. Dans son programme Glücksbringer, il com
mence en demandant s'il y a un docteur dans la salle. Lorsqu'un anesthésiste s'annonce, il raconte que l'anesthésie a commencé comme une attraction foraine. On donnait du gaz hilarant aux gogos et le public constatait qu'on pouvait leur faire du mal sans qu'ils n'aient mal. En revanche, poursuit E.von H., à la maison c'est un problème si un/e partenaire déclare: "Je ne sens rien".
L'univers surréaliste du photographe David LaChapelle.
Pris dans une tourmente qui va s'étendre à d'autres pays et d'autres types de victimes (par exemple les compagnes des ecclésiastiques et leurs enfants), le Vatican ne semble pas encore ressentir le mal qui a été causé. Il cache ce qui peut l'être et se justifie. Les médias aussi agacent, à force d'utiliser le terme de pédophilie. Maltraitance conviendrait mieux à l'étendue des forfaits, qui vont d'abus à viol, en passant par la torture, et comprennent des victimes d'âges divers. Autre agacement: la solution miracle pour la prêtrise. Des gars immatures, enrôlés très jeunes dans un système autoritaire, ne vont pas mûrir miraculeusement durant leur nuit de noces... Et les prêtres qui ne respectent pas l'engagement de chasteté pris devant Dieu auront aussi de la peine à tenir leur voeux de fidélité conjugale!
Source inconnue.
Le refoulement qui fonde l'éducation tordue de l'Église catho conduit beaucoup de prêtres hétéros ou homos vers une vie sentimentale et charnelle dérangée -- qu'elle soit dans la solitude ou dans l'acte partagé. Selon la rumeur, le pape actuel serait un pédé planqué. [Je respecte les gens qui ne trouvent pas la force de s'assumer, si eux-mêmes respectent celles et ceux qui ont franchi le pas.] Mais cette institution remplie de pervers et de pédos (hétéros et homos), de sadiques et de masos, continue à inciter les jeunes catholiques gay à se haïr et à chercher refuge au sein de la prêtrise dans l'espoir de gommer leur sensualité. Elle continue à inciter de jeunes hétéros à "sublimer" leur désir, à passer à côté des expériences fondamentales du couple et de la famille -- alors qu'ils conseillent, jugent et abusent leurs paroissiennes et paroissiens qui ont suivi l'appel du coeur, de la chair et du partage...

Aphorisme d'Eckart von Hirschhausen: "Les recettes pour vivre heureux [ici: la religion], c'est comme les conseils pour maigrir, si cela fonctionnait, le marché n'en serait pas si plein."

Ulysse

samedi 20 mars 2010

"Mula bandha" pour pisser et bander dru


L
e réchauffement de la terre et de l'air, ces derniers jours, m'a incité à mettre en marche les travaux de jardin et à anticiper les trois prochaines saisons. Le comédien George Burns déclarait: "Je regarde vers l'avenir parce que c'est là où je passerai le reste de ma vie." Bien vu! On peut envisager le labour, la taille des branches et le nettoyage des mauvaises herbes comme des tâches assommantes. Mais, au printemps, le jardinage nous remet en communion avec la dynamique de la terre et cela donne un coup de fouet jusque dans les énergies psychiques et la libido. C'est un plaisir sensuel que d'enfoncer les mains dans le compost que les micro-organismes et le gel ont rendu menu et caressant.

Plus j'avance en âge,
plus je me sens libéré de mes peurs et des contraintes extérieures, et plus j'observe l'action de la synchronie dans ma vie quotidienne. La synchronie, c'est pour moi la simultanéité de petits événements qui se manifestent en accord les uns avec les autres. La Main de Dieu, prétendront les croyants. L'harmonie du vivant diront ceux qui ont aiguisé leur perception. Cette semaine, la synchronie s'est manifestée par mon désir de jardinage -- poser les genoux ou le cul en terre -- et par les incitations de mes chers accompagnants.

L'un d'entre eux, c'est le thérapeute psycho-corporel
qui purifie mes entrailles et tonifie mon corps [un archange et un démon de clairvoyance]. A la fin de notre séance, il a suggéré que je travaille au jardin pour y puiser de l'aplomb. [Étendu sur la table de massage, huilé comme une sardine, je n'étais pas en position de noter sa pensée; je traduis dans mes termes...] Autre concordance: lundi et vendredi, durant le cours de yoga, la prof [un ange de détermination] a mis l'accent sur la coordination des mouvements avec la respiration (bien sûr), mais aussi avec le blocage du plancher pelvien -- apparemment un paradoxe. Intitulée mula bandha, cette contraction du périnée consiste à serrer les fesses, mais volontairement. Avantage mental qu'apporte l'exercice: je me sens plus solide sur mes jambes et mieux ancré dans mon territoire (la terre); gains physiques procurés par mula bandha: un soutien des organes du bas de l'abdomen [hein, petit bedon!], un meilleur contrôle de la miction (on pisse plus dru), la prévention de l'incontinence. Et la capacité de bander plus ferme [ouah!]. Ces exercices affermissent en même temps la musculature de l'anus -- pas besoin d'en détailler les avantages, y compris pour les adeptes du poing.
Même le buisson s'est mis au mula bandha.
Langage obscur, ésotérique? Certes, si on n'en a pas l'habitude. On peut rejeter. Ou explorer... Le beau temps, mon projet de jardinage, la thérapie et le yoga -- tout me conduisait vers le même point: l'énergie de la terre. J'y ai ajouté la force que dégagent les roches en allant prendre le soleil au bord du lac, et en nageant quelques brasses [brrrr!].

Ulysse

mercredi 17 mars 2010

Saint Patrick, le patron (gay) des Irlandais


A
ujourd'hui, les Irlandais du monde entier fêtent leur patron saint Patrick et s'offrent la plus grosse
biture de l'année. S'ils connaissaient mieux la vie de celui qui a converti leur île au christianisme, ces gros brailleurs en resteraient le bec cloué. Mais... Longtemps maintenue dans la misère par la Grande-Bretagne dont elle était un dominion, et par l'Église romaine, l'Irlande préfère ses mythes à la réalité. L'homosexualité y a été décriminalisée en 1993, le divorce légalisé seulement en 1995, et les Irlandaises ont officiellement le droit de se rendre à l'étranger pour obtenir l'interruption de grossesse qu'on leur refuse au pays. Je n'insiste pas sur les abominables abus qu'ont subis tant d'enfants -- cela se savait. Et pourtant les adultes se taisaient. J'ai lu des reportages précis à ce sujet dans la presse britannique, il y a une trentaine d'années.

Il y a plus de 1500 ans, un jeune Breton de l'empire romain nommé Maewyn est enlevé par des pirates à l'âge de 16 ans. Il est vendu en esclavage à des Irlandais et réussit à s'enfuir six ans plus tard. Entre temps, il a rencontré Dieu et se rend dans un monastère des îles de Lérins (au large de Cannes) afin d'étudier la théologie. Les voyages forment la jeunesse. Comment la jeunesse se débrouille-t-elle pour payer la traversée de la Manche, puis ses études? Maewyn, devenu Patrick (au début des années 400), se serait occupé du confort sexuel des marins et se serait aussi prostitué sur terre ferme afin d'amasser un pécule. A l'époque romaine, rien de choquant qu'un esclave ou un affranchi vende ses charmes pour subsister. Ce genre de service faisait partie de sa condition.
Patrick prêchant aux rois, 19e siècle.
Derrière lui, son jeune compagnon?
Tirechán, un historien de la fin du VIIe siècle nous raconte la suite. Patrick s'installe courageusement en Irlande (où il avait été captif) et évangélise le pays selon l'appel divin qu'il a reçu. Un jour, le saint homme rend visite à l'un de ses convertis dont le fils lui plaît beaucoup. Selon Tirechán, il donne le nom de baptême de Benignus (Bénédict, comme qui vous savez) au jeune homme qui s'agenouille à ses pieds, ne veut plus dormir dans la couche de ses parents et pleure jusqu'à ce qu'ils lui permettent de partager la chambre de Patrick. Devenu son compagnon, Benignus suivit toute sa vie celui qui était devenu l'évêque d'Armagh. Et il lui succéda à ce poste après sa mort... L'Irlande celtique respectait les diverses orientations sexuelles; celle des premiers siècles chrétiens aussi.

Ulysse

lundi 15 mars 2010

Le slip se met au régime de banane


E
ncore un beau coup d'AussieBum, la marque australienne de sous-vêtements pour hommes: mettre sur le marché un slip dont le tissu est composé de 27 pour-cent de fibres de bananier, 64 pour-cent de coton organique et 9 pour-cent de lycra pour l'élasticité. Le mieux doté des fruits tropicaux s'allie à l'écologie pour faire fantasmer les mâles jusqu'au fond du slibard, qu'on nomme banana hammock (hamac à banane) en anglais, l'équivalent de moule-burnes.

Siège en fibres de banane. (Ikea.)
L'utilisation des différentes fibres du bananier est courante en Asie du Sud-Est, tant pour les tissus d'ameublement que des textiles plus fins et des meubles tressés. AussieBum (aussie pour australien et bum pour derrière) n'a donc rien inventé. Mais son marchandisage devance une fois encore les autres marques de calcifes haut de gamme dans un marché encombré... Au commencement, il y avait Hom (France), ringard aujourd'hui et battu à plate couture. Ensuite Calvin Klein, marque du couturier américain qui s'est profilée avec des pubs provocantes -- à la limite du libidinal prépubère, ce qui serait maintenant inacceptable -- et de nombreuses apparitions dans le porno. Il faut être sérieusement détérioré pour porter un slip (si coûteux) dont le bandeau porte le nom d'un réformateur genevois flanqué d'un adjectif qui signifie petit! Les Milanais Dolce & Gabbana se sont infiltrés dans le marché, mais leurs pubs font trop pédale haute-couture pour convaincre les esprits virils.
Un slip cher: moins convaincant qu'un sourire.
Revenons à AussieBum, entreprise que Sean Ashby a fondée en 2001. Il a commencé par créer des maillots de bain. Aucun confectionneur australien n'en a voulu. Il a décidé d'écouler son stock sur l'internet. L'opération a si bien marché qu'il a adopté ce mode de vente pour son entreprise naissante. Bain, sous-vêtements, loisirs -- uniquement pour hommes -- tout est écoulé sans intermédiaire dans le monde entier. Les collections se succèdent à un rythme rapide, sont présentées dans des vidéos très enlevées qui entretiennent un équilibre subtil entre la sportivité et l'érotisme dégagés par les modèles. Loin de la mode métrosexuelle, AussieBum s'est forgé une image qui attire autant les hétéros que les homos virils -- ou en quête d'un petit surplus de virilité dans le paquet. Le slogan est un défi bien australien: "Si vous doutez de vous, portez autre chose". Quant au prix: c'est dix kilos de bananes, sans les vitamines ni les sels minéraux.

Ulysse

samedi 13 mars 2010

Bear attitude: les ours sont parmi nous


N
on, il ne s'agit pas du programme de lâcher d'ours bruns dans les Pyrénées auquel les éleveurs et les chasseurs sont opposés. Ni des "ours du deuil" qu'on peut appeler à New York pour enlever les traces d'un amour passé: ils viennent chez vous déguisés en ours et, armés d'un grand sac poubelle, ramassent tout ce que votre ex a laissé derrière elle/lui... L'ours qui a attiré mon attention, hier dans Salon, a publié un article
sous le nom de Rusty McMann intitulé "Confessions of a Call Bear", bear pour ours. Rusty est un travailleur sexuel qui s'est lancé dans la profession de call boy -- ou call bear -- il y a peu d'années. Il offre ses services à Las Vegas. Son texte ressemble à toutes les "confessions" (blogues, articles, livres) de personnes qui ont choisi librement la prostitution. On connaît le refrain: certains de mes clients sont Monsieur Toulemonde, d'autres aussi beaux/jeunes/riches que des stars de Hollywood.

Mais Rusty diffère parce qu'il est un bear, c'est-à-dire un mec de 47 ans,
barbu-poilu, roux, en surpoids de 15 kilos. Sa clientèle: des jeunes en quête d'un papa, des pères de famille qui explorent discrètement leur part homo, les timides qui n'iraient pas draguer dans un bar; et une flopée de types heureux de passer un bon moment -- voire un week-end, même plus -- avec un gars intelligent, à l'aise dans sa peau et sa quarantaine et sa profession. Rusty offre conversation, tendresse, massage, baise; sur son site, il précise (respectueux de la loi) que "tout argent échangé l'est strictement pour le temps passé ensemble et pour la compagnie".
Le rêve de Rusty (le rouquin): être classé Meilleur Escort
de 40 ans et plus aux Trophées internationaux des Escorts.

Aux lecteurs de Salon, Rusty décrit la bear attitude. Celle du bon gros nounours en jeans et chemise à carreaux. Gay, athlétique, plus ou moins obèse. Quelques bears endossent tout de même un noeud pap s'ils se rendent à l'opéra. Il y a des bears cuir, des ours polaires (blanchis sous le harnais), des bears gingembre (roux) voire lions (crinière fournie). Les bears fréquentent surtout des bears et ceux qui les admirent: les oursons (plus jeunes, ou moins poilus, ou fascinés par la corpulence); les otaries (très poilus et maigres); les loups (minces, poilus, très excités et bandants); les pandas (bears asiatiques); les toros (latinos couillus). "Parmi mes clients réguliers," relève Rusty, "il y a un couple de Mexicains, Jaime et Luis, 28 ans, qui parlent à peine l'anglais et s'exclament pendant toute la séance Ay! Papi rico!"

Ulysse

jeudi 11 mars 2010

Comment saboter votre vie amoureuse


"J'
ai saboté ma relation. J'étais en colère; je me plaignais", écrit une jeune femme qui demande conseil à Savage Love cette semaine. "Mais mon vrai problème, c'était tous les traumatismes réprimés de mon enfance et je les évacuais sur la personne la plus proche: mon copain. Il y avait quelque chose de magique entre nous et je l'ai détruit. Aujourd'hui, je suis prête à me donner à 110 pour-cent afin de rétablir cette relation."

"Nous ne faisons plus l'amour. Nous nous parlons à peine. Je sais que ma capacité à entretenir une relation est maigre -- toujours cet héritage de l'enfance -- mais j'aimerais sauver ma relation. Pouvez-vous me donner un truc pour rallumer la flamme sexuelle d'un type que j'ai traumatisé, pour améliorer la communication avec quelqu'un plein de ressentiment? Je suis prête à m'y donner à fond, reconnaître mes fautes et respirer profondément plutôt que de réagir avec colère lorsque nous discutons." -- Signé: Saboteuse face à ses dysfonctions.
Photo: Steven Meisel.
Réponse de Dan Savage. "Je vais vous répondre dans une minute, SFD. Mais [...] j'écris cette chronique en avion et me rends compte que le type assis à côté de moi a les yeux fixés sur mon écran. Alors j'écris: HÉ VOUS, À CÔTÉ DE MOI SUR LE VOL DELTA 2360! CESSEZ DE LIRE MES CONNERIES À MOINS QUE VOUS AYEZ QUELQUE CHOSE À AJOUTER!"

"Bon, SFD. À moins que votre copain ne soit un punching-ball, vous n'évacuiez pas sur lui. Vous vous défouliez sur lui. Peut-être que votre psy ou un magazine féminin vous a permis de croire qu'il suffisait de lever les bras au ciel, de crier "traumatisme d'enfance" et tout reviendrait en ordre. Pardon SFD, mais parfois le dommage est trop important. Votre copain ne vous parle plus? Ne vous baise plus? Et bien, c'est FINI. Il vous faut maintenant comprendre que c'est vous -- pas vos problèmes, pas vos traumatismes, mais bien vous -- qui avez foutu en l'air la relation avec un gars bien. Partez, trouvez-vous un/e bon/ne thérapeute et faites un effort pour régler vos difficultés et vider votre sac avant de vous imposer à un autre pauvre type. Pas besoin d'être guérie à 100 pour-cent avant de vous remettre à chercher -- personne n'est sans problème -- mais il faut que vous soyez en relativement bonne forme."

Qu'en pense le voisin de Dan sur le vol Delta 2360? "Je suis sorti avec des filles comme SFD. Elles avaient des problèmes avec papa. Vous savez, SFD devrait nettoyer sa merde avant de rencontrer un autre type, mais elle ne le fera probablement pas. Les filles comme elle ne règlent jamais rien. Peut-être elle, oui, puisque vous l'y poussez..." Il lui conseille de déménager sur une île. Pourquoi? Probablement parce que les gens ne vous laissent pas faire, si vous les emmerdez sur une petite île où tout le monde se connaît.

Ulysse

mardi 9 mars 2010

Culturistes (1): Le culte du corps et celui du Seigneur


D
ès 1940, le culturisme (bodybuilding) prend son essor aux Etats-Unis. A Los Angeles, un jeune homme s'éprend de ces gars musclés qu'il photographie sur la plage de Venice où ils s'exercent. Les photos plaisent, les sportifs en réclament plus. C'est ainsi que Bob Mizer installe un studio de prises de vues, l'Athletic Model Guild (AMG) et édite la revue Physique Pictorial qui fera son chemin auprès des culturistes et des homosexuels, bien en peine, à l'époque, de trouver des images
stimulantes. Bob Miser photographiera des beaux mecs et des fripouilles jusqu'à sa mort en 1992. Il passera quelques mois en prison pour publication de matériel obscène, alors que la police n'a pas découvert ses photos de nus, bien cachées. Les gars posent avec un cache-sexe ou à poil. Sur de nombreuses photos, le cache-sexe est peint après coup.
Richard DuBois, alias Richard Sabre pour Hollywood.
Très professionnel, Bob Miser n'a jamais posé la main sur ses modèles pendant les séances. La plupart des gars penchaient plutôt du côté hétéro -- ne se privant pourtant pas de se prostituer auprès de quelque dame vieillissante ou de nombreux messieurs, en attendant de décrocher le grand prix du muscle, sinon un boulot d'acteur ou de figurant au cinéma et au music-hall.
Pin-up boy très recherché.
Né en 1933, Richard DuBois fait la couverture du Physique Pictorial de décembre 1953 que j'ai retrouvé dans ma collection. "L'une des plus magnifiques carrures que nous ayons eu le plaisir de photographier", commente Bob Miser. DuBois rafle le trophée de Mr America Amateur en 1954. Il a 21 ans et l'actrice Mae West, 61 ans, l'engage dans la Mae West Revue: il montre ses pectoraux et lui sert de gigolo en coulisses. Il gagne d'autres concours de body et décroche des rôles à Hollywood. Plus tard, toujours dans Physique Pictorial, il pose à poil et le lecteur apprend qu'il étudie la philosophie et la méditation. Après un parcours mystique, selon PP, on le retrouve évangéliste pentecôtiste, spécialisé dans la communication avec les extraterrestres. En 2007, sa veuve déclare qu'il a passé les 19 dernières années de sa vie à prêcher la bonne parole à l'église du Phare de l'Évangile.
DuBois et Mae West, actrice aux réparties célèbres. Par exemple:
"Les braves filles vont au ciel, les autres un peu partout."
"Dans ta poche, c'est un revolver, ou t'es juste content de me voir?"
Qu'est-ce qui réconforte le mieux une âme narcissique, taraudée par l'angoisse existentielle? Des paquets de muscles? Ou les charismes promis aux Pentecôtistes, tels le don de guérir, celui de parler en langues (glossolalie) et de prophétiser?

Ulysse

samedi 6 mars 2010

La croix et le cul: laissez les petits enfants venir à moi!



Des photos d'élèves à moitié nus publiées sur le net; des pornos d'enfants chargés sur un ordi du couvent; des corrections corporelles régulières et à la chaîne -- au su de tous -- ainsi que des actes plus directement sexuels: tel est le bilan provisoire des abus commis pendant des décennies par les moines enseignants à l'internat d'Ettal en Haute-Bavière. Les lettres et les courriels d'anciens élèves (plus de 100 en une semaine) continuent de parvenir au chargé d'instruction, dénonçant des actes qui, s'ils avaient été présentés à la justice, auraient valu des peines de prison aux "bons pères" de ce couvent bénédictin.
(Getty Images)
L'un des prévenus, le père Magnus, mort l'an dernier, avait signé une confession dans laquelle il présentait ainsi les faits: les garçons rossés venaient le retrouver la nuit pour se faire caresser. [Syndrome de Stockholm?] Un médecin, ancien élève, a écrit: "Son penchant n'était un secret pour personne. Comment expliquer que la direction, très pointilleuse dans d'autres domaines, ne soit pas intervenue?"

A Regensburg aussi, les victimes d'abus dans le choeur des Petits chanteurs de Ratisbonne (diri
gé pendant 30 ans par Georg, le frère de Benoît XVI) commencent à parler. Et dans une institution de Münster, dirigée par des nonnes après la guerre, où l'on recueillait des enfants abandonnés, on parle de sévices, d'humiliations et d'abus sexuels. Ces enfants n'avaient pas de famille, personne pour entendre leurs plaintes, sinon dans l'institution qui les taxait de fabulateurs. La conférence des évêques promet une transparence totale -- un mot très langue de bois. L'un d'entre eux écrit: "Le tort indicible qui a été infligé à des enfants sans défense par des responsables de l'Église me remplit de honte. Je présente mes excuses à toutes les victimes..." Ces dernières n'attendent pas des excuses générales, elles ont besoin d'aveux.
La pédophilie? C'est la faute aux soixante-huitards,
selon l'évêque Walter Mixa. (DDP)

Alors que ses disciples éloignent les gosses qu'on lui amène pour un autographe [une bénédiction], Jésus s'exclame: "Ne les empêchez pas; c'est à ceux qui leur ressemblent qu'appartient le Royaume des cieux!" [Matthieu 19.] Les mecs autour de Lui discutent de mariage et de divorce; ils trouvent la vie conjugale bien ardue: "Si c'est ce qui nous attend avec les femmes, mieux vaut ne pas nous marier!" Jésus réplique: "Tous ne peuvent pas le comprendre [...] Certains en effet sortent châtrés du ventre de leur mère. D'autres le sont par l'action humaine. D'autres enfin choisissent cet état à cause du Royaume des cieux. Que comprenne celui qui peut comprendre..." Une chose est claire néanmoins: les tordus qui n'offrent pas le choix entre le célibat et le mariage à leurs employés causent de gros dégâts dans la bergerie.

Ulysse

jeudi 4 mars 2010

Au plumard aussi, rire est le propre de l'homme


"J'aime rire et plaisanter pendant l'amour", écrit Scott de Bill in Exile dans un texte posté hier. "Tant de gens abordent l'acte si
sérieusement qu'ils en ôtent tout le fun, ce qui divertit et rend heureux." Scott poursuit: "J'avais un ami avec lequel je baisais de temps en temps; nous étions jeunes et il s'imaginait super mec. C'était étouffant. Il avait vu trop de mauvais pornos des années 70 et 80 et imitait les acteurs en jouant le mâle dominant obligé de prouver sa virilité. En réalité, je m'efforçais de garder mon sérieux. Parce que si j'avais cédé au fou-rire, il aurait flippé et perdu son érection, tant il manquait d'assurance. Or, comme je voulais tirer mon coup, je n'allais pas me mettre à rigoler pendant qu'il imitait le cowboy Malboro et débitait les platitudes des dialogues pornos. Baiser avec des types de ce genre fait chier, même si L'Engin est impressionnant."

La conclusion appartient
à un moine du 16e siècle français, devenu prêtre, puis médecin:

"Voyant le chagrin qui vous désarme,
Vous mine et vous consomme,

Mieux vaut traiter du rire que des larmes.
Pour ce que rire est le propre de l'homme.
Or, oyez belles dames et beaux segnores!
Esbaudissez-vous mes amours,
Et gayement admirez nos tours,
Destendez vos nerfs e
t votre corps.
Mais escoutez-moi bien, vits d'ânes,
Qu'il vous soubvienne, belles âmes,
De boyre en ceste nuit à ma santé,
Je vous rendrai la pareille tout un été."
[François Rabelais.]

Ulysse

mardi 2 mars 2010

Tous nus, pour habiller l'opéra de Sydney


I
l a fallu un peu de temps au photographe Spencer Tunick -- qui avait rassemblé hier plus de 5000 figurants nus devant l'opéra de Sydney -- pour persuader les participantes et participants hétéros d'enlacer les personnes lesbiennes et gay, et vice-versa. "Aussi ai-je été heureux de constater, dans la dernière série de prises de vues, que tout le monde s'était rapproché et échangeait un bisou amical ou un baiser d'amoureux devant cette splendide structure architecturale." L'évènement marquait le début des festivités gay et lesbiennes du Carnaval ("Mardi Gras") de Sydney qui se termineront samedi par une grand
e parade. C'est l'évènement le plus prisé de la planète gay, des touristes du monde entier et de toutes orientations s'y retrouvent.

Art Rush, un étudiant de 19 ans, qui appréhendait le moment où il devrait se déshabiller au milieu de cette foule, a déclaré: "Je n'aurai plus jamais l'occasion de participer à une expérience aussi extraordinaire, alors je n'allais pas faire le prude. Du reste, ça n'est pas du tout sexuel; c'est tribal, un rassemblement humain." L'ensemble des poses dirigées par Spencer Tunick a duré un peu plus d'une heure.

Aucune de ces photos
n'est signée Spencer Tunick.

Dans le Guardian (G.-B.), Jonathan Jones rappelle que Michel-Ange, par exemple, recourait aussi à la nudité pour raconter sa vision de la bible sur les parois et le plafond de la chapelle Sixtine. En août 1510 -- il y a 500 ans! -- il avait terminé de peindre la première moitié de la voûte. Au bord des scènes représentant des épisodes de la Genèse, il avait ajouté de jeunes hommes sculpturaux, dévêtus comme l'Adam vers lequel le Créateur pointe son index. On les appelle les Nus (Ignudi), cela leur donne une contenance, mais n'explique pas leur apparentement religieux...

Qu'en est-il des Nus entourant Spencer Tunick? Dépassé le frisson moral
(et sexuel chez Michel-Ange), il faut bien reconnaître que c'est la manière la plus picturale de célébrer la vulnérabilité humaine, en même temps que son universalité (la foule, photographiée sur plusieurs continents), sans blabla ni faux-semblant. J'y ajoute: la modestie que confère la liberté, puisqu'on a laissé les soutiens-gorge et les falzars au vestiaire. C'est pourquoi il faudra encore attendre avant de pouvoir contempler les statues de nos bien-aimés politiciens et banquiers, intègres et nus.

Ulysse