samedi 9 juillet 2011

L'excitation sensuelle de la course à pieds nus


Le monstre pourvu d'un seul oeil que je nomme Cyclope (malgré sa taille moyenne) me joue encore des tours, bien que l'âge (la sagesse? non, hélas) l'ait rendu moins impatient. Mais il n'en fait toujours qu'à sa tête comme un chien mal dressé, que je lui ordonne "assis" ou "attaque!".

Lorsque j'allais courir dans un bois le dimanche matin, déposant en voiture ma veuve de mère devant le porche de son église (sans émettre le moindre commentaire, par égard pour elle, sur les paroissiens qui avaient revêtu leur air de circonstance, ce sourire céleste, comme d'autres s'étranglent dans une écharpe), je me garais près de ma chapelle à moi, un vestiaire publique.

D'autres coureurs se changeaient pour leur footing; des footballeurs amateurs matinaux -- deux pleines équipes -- braillaient dans les cabines de douches où ils se relayaient à deux ou trois pour économiser la monnaie. Quand ils en sortaient à poil et encore trempés, ils se battaient à coups de serviettes éponges, démêlant ainsi les différends du match. Le vestiaire sentait les pieds, la transpiration, l'urine qui coulait dans les douches parce qu'il n'y avait pas de pissoir attenant. Puis, tout à coup: les déodorants. Il était humide, parfois souillé de merde, de dégueulis, de bouteilles et de papiers gras qu'y avaient déversés les fêtards de fin de nuit.
Tour de France, 21 juillet 2010.

N'empêche, côtoyer des mecs en état d'excitation sportive est un besoin de mec. Viscéral. Ceux qui ne le reconnaissent pas en eux sont autistes dans l'âme.

Pendant que je courais torse nu, le Cyclope s'agitait dans mon short. Comme un bon chien, il ouvrait le chemin devant moi puisqu'il n'était pas attaché. Je ne portais ni slip ni jockstrap: c'était mon moment de liberté. Moment parfait si j'avais pu courir nu. (Dans ce cas -- conseil d'ami -- j'aurais passé un anneau derrière les couilles pour rassembler la marchandise et lui donner un peu de tenue.)

Lorsque j'atteignais mon rythme de croisière, je commençais à synthétiser ces impressions visuelles et olfactives, ainsi que mes sensations corporelles -- comme je l'avais appris dans les stages de tantra et de méditation que je fréquentais. Prendre en compte le dégoût aussi bien que le désir, les bouffées de testostérone respirées dans le vestiaire, l'agitation des hormones dans mon corps... C'est ce qu'on appelle moving from volatile arousal to god-like desire: la faculté de passer d'un état d'excitation passagère à un état d'éveil sensuel qui nous rapproche du spirituel. Et redirige vers le coeur une partie des hormones qui bouillonnent dans le corps. C'est procéder comme l'alchimiste pour transformer le plomb en or. Échanger le désir momentané contre un bien-être plus stimulant.

André

1 commentaire:

Curieux a dit…

L'état d'éveil sensuel c'est une religion new age ou une invention personnelle? Faudrait s'expliquer!