mercredi 21 septembre 2011

Une paire de fesses, deux miroirs, un portable pour commencer à se connaître

Mec se scarlettjohanssonnant.
Le FBI recherche actuellement des pirates qui auraient dérobé, non pas des ordinateurs ou des téléphones portables de célébrités, mais les photos très personnelles qu'ils contenaient pour les publier sur la toile. L'actrice Scarlett Johansson serait parmi les victimes: un autoportrait qu'elle a pris entre deux miroirs, montrant son visage et ses fesses nues a fait le tour du monde. On l'apprend: le narcissisme d'une nunuche de cinéma n'est pas assouvi par ses films. Alors, si vous aviez encore un tout petit peu honte de vous immortaliser en simple appareil, guérissez vite! Votre besoin d'image répond à une injonction aussi ancienne que l'apparition de l'homo sapiens: celle de se connaître soi-même.

Connais-toi toi-même!
Depuis la publication des photos de Scarlett, les internautes ont copié la pause et s'exhibent autour du globe (blogue) en faisant du scarlettjohanssoning. C'est un passe-temps qui résume plusieurs traits de la société actuelle. Dans mon enfance, on n'avait que le Photomaton pour se prendre en photo et éviter de passer par le laboratoire. Une copine, un copain faisait le guet devant le rideau qui était très court, afin que les passants ne voient pas le pantalon en accordéon sur les chaussures. Plus tard, nous avons disposé du Polaroid (grosse mise de fonds) pour capter le développement de notre corps ado sur papier. Sinon, il fallait se monter un labo de développement. Enfin est arrivé l'appareil photo numérique qui s'est finalement marié au téléphone portable, autre instrument du narcissisme. Désormais tout le monde peut faire de la comm (pléonasme de pub, alors que la communication était à l'origine un moyen d'expression et d'échange, non pas un communiqué d'autopromotion).

Miroirs des cabines d'essayage.
Photomaton: rideau court.
Γνῶθι σεαυτόν (gnōthi seautón, grec ancien) signifie: connais-toi toi-même! L'inscription était placée sur le fronton du temple de la Pythie à Delphes. Cette dame était assise sur un trépied entouré de fumées qui l'inspiraient pour rendre ses oracles. À l'époque, connais-toi toi-même était un appel à l'humilité: souviens-toi petit mec que tu es mortel, pas un dieu, et accepte tes limites... Aujourd'hui, cette injonction représente d'abord un encouragement à l'introspection -- humble et patiente, certes, mais pénétrante. Avec l'injonction d'accepter nos limites et d'en dépasser d'autres qui ne font pas partie de notre vraie nature. Exercice d'équilibre qui invite à une descente dans les profondeurs de l'être.

Dès lors, l'autoportrait fait partie des moyens utilisés pour se mettre sur le chemin. Il requiert une approche tranquille, méditative, sans masque. Car je ne lis pas facilement tout ce que dévoile mon propre corps. De même qu'il m'est difficile d'entendre, et comprendre, les critiques constructives que m'adressent mes amis. Mais il vaut la peine de s'y mettre et de trier, parmi les photos, celles qui fixent uniquement l'apparence et les autres. D'un côté l'affirmation du moi visible, de l'autre la recherche derrière les apparences.

André




3 commentaires:

unnu a dit…

très bon article .
bien senti
amicalement
Unnu

Philippe a dit…

Quelle belle époque... malgré tout ce qu'on peut en dire !

Pour moi, il n'y avait qu'un seul miroir... très grand et très lourd, donc innamovible au-dessus de sa cheminée de marbre et une chaise rembourrée (= très instable !) pour être à bonne hauteur... Une porte de chêne à barricader "comme on peut"... et le portrait sévère d'un vieil oncle à retourner contre le mur... avant d'apprendre à se connaître !
Enfin... à essayer !
Reconnaissez, les jeunes, qu'on a du mérite à n'être pas plus c.. qu'on est !...

Bien à vous !

Philippe

Henri a dit…

Ca me rappel aussi un souvenir de jeunesse. Mes parents m'avaient envoyé apprendre l'allemand au fin fonds du pays. C'était l'été, je tassais le foin debout sur un char. Le valet de ferme était descendu du tracteur et s'était mis à pisser sans me tourner le dos. Je m'étais presque plantée la fourche dans le pied. Le soir dans ma chambre, j'étais à genou sur un tabouret devant la commode pour me laver dans la cuvette et je regardais mon membre dans le miroir ovale pour le comparer à celui du valet.
A ce moment on a frappé à la porte et le valet est entré sans attendre. J'ai rougi jusqu'à la racine des cheveux. Il a rit et a dit: "C'est notre meilleure pièce, il faut bien s'en occuper et la soigner. Maintenant dépêche-toi, on nous attend pour le repas." On a descendu les escaliers, moi devant, lui me conduisant gentiment par les épaules. Quand nous sommes arrivés dans la cuisine, toute la famille de mon patron était debout autour de la table et m'a applaudit pour mon seizième anniversaire.