mercredi 23 mai 2012

Les patients homos du sexologue Hirschfeld : pourquoi les Nazis et le Mossad recherchaient leurs dossiers


Un Prix Schiller a été remis à l'écrivain vaudois Nicolas Verdan pour son roman Le Patient du docteur Hirschfeld (Bernard Campiche Éditeur). Vendredi, il lisait des bonnes pages de son ouvrage devant un public clairsemé. Par principe, je ne fréquente pas les lectures en français durant les Journées littéraires de Soleure [voir billet précédent]. Mais je suis allé écouter Verdan, 41 ans, sur un sujet qui nous concerne.

Le Dr Magnus Hirschfeld  (né en 1868, mort à Nice en 1935) dont il est question dans ce roman est l'un des pionniers des mouvements de libération des homosexuels. Il avait l'intuition du caractère inné de l'homosexualité -- ce que d'aucuns nient encore aujourd'hui. Dans son Institut de sexologie à Berlin (fondé en 1919, saccagé par les Nazis en 1933), il avait développé une théorie du troisième sexe et établi un catalogue de 64 types d'intermarches allant de la virilité totale au caractère efféminé. Mais avant tout, Hirschfeld -- Allemand, juif et homosexuel -- luttait pour l'abrogation du "Paragraphe 175" -- l'article 175 du Code pénal allemand condamnant l'homosexualité masculine, en vigueur de 1871 à 1994. Renforcé sous le régime nazi, il a permis d'envoyer de nombreux hommes dans les camps de concentration.

10 mai 1933: sac de l'Institut de sexologie. Les livres seront brûlés.

Le musée du sexologue.

Dr Magnus Hirschfeld.

L'auteur construit son récit autour des listes de patients que tenait le sexologue. Mettre la main sur ces documents devait permettre aux Nazis de poursuivre un grand nombre d'individus qu'ils jugeaient pervers, y compris des membres de leur parti, et d'exterminer "cette pestilence". Retrouver ces listes après la guerre donnait au Mossad (les Renseignements israéliens) des indications précieuses sur des criminels nazis recherchés. Le lecteur plonge dans l'atmosphère angoissante du Berlin du Troisième Reich, dans le Tel Aviv de l'État d'Israël naissant, au bord du lac Majeur où Hirschfeld a fui, dans la Zurich des banques, enfin à Bariloche, l'un des refuges argentins des anciens nazis. Dans cet assemblage complexe, Nicolas Verdan fait revivre une époque noire de l'histoire allemande, du destin des Juifs et de celui des homosexuels.




Le spectateur de Cabaret (le film de Bob Fosse avec Liza Minnelli qui se déroule en 1931) retrouve dans ce roman les célèbres cabarets de Berlin et leurs travestis. Le spectateur des Damnés (de Luchino Visconti avec Dirk Bogarde et Helmut Berger) qui se souvient de l'incendie du Reichstag et de la nuit dite des Longs Couteaux, une orgie dont Hitler avait profité pour se débarrasser de la SA à la tête de laquelle se trouvait l'homosexuel Ernest Röhm -- pourtant un de ses précieux alliés -- comprendra mieux en lisant Le Patient du docteur Hirschfeld quel était le dessein secret des exterminateurs nazis.

André

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