lundi 5 août 2013

Le jeune Narcisse, son miroir, son portable, son ego et sa queue

Narcisse, un jeune homme qui se penche sur une source pour y boire, découvre son reflet dans l'eau et en tombe amoureux. Il y revient constamment pour se contempler et désespère de ne pouvoir attraper sa propre image. Il en meurt, sans avoir connu la célébrité que lui aurait apporté son invention: le narcissisme. Aujourd'hui, il pourrait demander un pourcentage à tous les fabricants d'appareils portables.




Le narcissisme naturel, ce sentiment de valeur que l'on retire en contemplant son image, se développe durant plusieurs étapes de l'enfance, afin que l'individu puisse mettre un "je" sur sa personne, c'est-à-dire construire son identité. À l'adolescence, alors qu'il observe des changements importants sur et dans son corps ainsi que ses sentiments, il a l'impression d'être mis à nu face au regard des autres. Et il est plus ou moins satisfait de ce qu'il perçoit. La comparaison avec ses camarades du même âge prend une grande importance.



Certains deviennent très critiques et se mettent à rejeter leur corps, d'autres apprennent à l'accepter. Dans ma jeunesse, le procédé Polaroid de photographie à développement quasi instantané, en noir et blanc, est apparu au début des années 1950. La couleur a suivi une douzaine d'années plus tard. Ma période photo-narcissique s'est déroulée avec retard, au début de l'âge adulte -- si je la compare à celle des petits gars d'aujourd'hui. Et le procédé était très coûteux pour une bourse d'étudiant.

L'appareil comportait un retardateur qui nous donnait le temps de prendre la pose après avoir pressé sur l'obturateur. Il fallait préalablement faire une mise en place et un cadrage approximatif pour être sûr de se trouver au centre de l'image et que cela soit flatteur. Sinon, un copain assez familier avec notre nudité servait de metteur en scène. Pendant que l'image apparaissait progressivement et séchait sur le papier, c'est tout un processus de prise en compte du corps qui se développait dans la tête. Parfois en même temps qu'une érection...




Étais-je amoureux de mon corps? Non. L'excitation provenait, je crois, de cette mise à plat de mon image d'homme. Mais jamais je n'aurais montré ces photos à d'autres que quelques camarades très proches ou amants suffisamment intelligents pour ne pas me taxer de narcissique. Et surtout pas à mon père. Dommage! Vivre dans un milieu familial qui valorise suffisamment votre personnalité et vos aspirations durant la période ingrate de l'adolescence permet de bien évoluer vers l'âge adulte et d'être en paix avec son corps. Un fils de dieu a décrété, il y a 2000 ans: tu aimeras ton prochain comme toi-même. C'est une bonne mesure pour le taux de narcissisme acceptable durant notre vie.



Quant aux jeunes mecs qui répandent (parfois à l'insu de leur plein gré) l'image de leur queue sur la toile mondiale, je ne pense pas qu'ils intéressent le programme d'espionnage américain Prism dans sa prétendue "lutte contre le terrorisme". Au contraire: ils le surchargent. Mais cela pourrait leur causer d'autres ennuis dans le réseau plus proche de leur entourage présent et à venir.

André

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